mercredi 10 mars 2010

Regrets silencieux

A lire avec cette musique:

  







Hier soir, elle s’était vu tout détruire, elle s’était vu devenir une autre personne, la haine était si grande, son emprise si enivrante... Hier soir, elle crut que son monde s'effondrait, que tout allait disparaître, elle avec... Hier soir, elle avait perdu confiance, l'envie, la force... Elle avait perdu tout ce qui la définissait... En une fraction de seconde, en à peine une fraction de seconde, elle s’était  perdue...

Pourtant...

Assise sur la terrasse, tentant de ne pas réfléchir, se laissant enivrer par la fraîcheur de l'air, appréciant la nicotine qui faisait corps avec elle... Ambre reprenait son souffle, apprivoisait son anxiété qui faisait de sa tristesse une amie...

La ville était endormie, à défaut de ce corps sans vie, de cet esprit alerte... La ville était endormie, à défaut d’elle qui ne trouve une fois de plus pas le sommeil... Soudain, le bruit du téléphone se fit entendre.
C’était Martine :
- Allo ?
- Ambre? C'est moi...
Elles n’avaient pas besoin de long discours, ni de grandes phrases toutes aussi barbantes les unes que les autres... A contrario de communiquer par le regard, le silence était de mise. Et Dieu sait qu’Ambre aimait ces silences, ces silences si éloquents, si précieux, si dévastateurs, si puissants... La ville est endormie à défaut d’Ambre, mais bien plus encore à défaut de Martine...
- Que j’aime entendre cette voix.
- Je n’arrivais pas à trouver le sommeil, chuchota Martine. Je m’inquiète tellement pour toi…
- Je ne dormais pas non plus…
Elle était le seul lien qui les unissait encore, la seule qui avait su rester dans sa vie, celle qui lui parlait de Robert, celle qui comblait les silences quand elle ne trouvait plus rien à dire, qui la rattachait à la vie, qui prenait le soin d'effacer les mensonges, de crier la vérité sans prononcer son nom, sans rentrer dans les détails... Elle avait été celle qui lui avait annoncée les coups durs qu’elle devait affronter. Elle était le rocher sur lequel elle se reposait lors de terribles tempêtes...
- Ambre, tu es toujours la ?
- Oui.
- Je passerai vous voir bientôt.
- Je t’aime.
- Moi aussi, Ambre… moi aussi, souffla-t-elle avant de raccrocher.
                                                                                                                                                                  
Cette nuit là, Ambre se demandait si Robert connaissait ce vœu immuable, ce vœu bien trop puissant, ce cri aigu d'une envie, cette sensation bien trop dévorante au creux de son échine ? Connaissait-il ce vœu de revivre ces moments d'extase, de transe, ces moments qu’on chérit d'une telle force, ces moments où la joie parcourait si violemment nôtre corps tout entier... Connaissait-il.. Ce désir de revenir en arrière, de stopper la course effrénée d'un présent pour replonger dans un passé. Connaissait-il, cette envie que rien ne peut combler ? Ambre la connaissait bien trop, elle connaissait bien trop cette force qui nous propulse dans les plus infimes recoins de nôtre esprit, à la recherche d'un souvenir, d'un bout de quelque chose qui fut jadis une réalité... Elle connaissait bien trop ça... Bien trop fort…

C'est fou comme l'air lui paraissait différent, comme les gens lui paraissaient sans vie... C'est fou comme, elle se sentait troublée, frêle, tremblotante... Ce n'était que la fin de quelque chose, l'acceptation de la fin de ce quelque chose qu’elle n'osait prononcer, ce n'était qu'une rencontre parmi tant d'autres, ce n'était qu'une vie... Sans lui, avec lui, près de lui, loin de lui...

Mouna Toujani
Mouna Toujani

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