mercredi 10 mars 2010

En Mémoire de Nous...










Chapitre VI

« En mémoire de nous »

Elle voulait raconter son histoire au reste du monde simplement pour qu'il ait la définition exacte de l'amour, de la passion, de l'addiction. Elle voulait retracer votre début, chaque infime journée qui a fait de vous un couple. Chaque minute, chaque seconde... Ce début si maladroit, ce milieu si passionnel, cette fin si douloureuse... votre fin.

Fin Septembre 1984 : tout commença 24 ans plus tôt.

Assise seule à une table d’un café dans Paris, ville de rêverie, une jeune femme brune, du nom d’Ambre Ben Yedder, la vingtaine aux cheveux long, noir et bouclés, lisait avec avidité « Laila et ses confidences ». Elle en connaissait déjà l'histoire, ayant oublié seulement les détails, pour l'avoir déjà lu plusieurs fois. Mais elle avait trouvé dans la lecture un refuge contre les pensées maussades qui avaient tendance à l'assaillir ces derniers temps. Perdue dans les lignes, soudain, elle entendit une voix masculine dire derrière elle :
- Je t’observe depuis plus d’un quart d’heure et … commença t-il puis il se tut.
- Et ? demanda-t-elle intriguée en se retournant.
- Je voulais juste te dire que tu es merveilleusement belle quand tu rêves…
Elle s’étonna de son audace ! Un homme se tenait debout devant elle, l’air décontracté, il portait un blue-jean, un tee-shirt noir et tenait un journal dans sa main droite. Ses lunettes noires l’empêchèrent de voir la couleur de ses yeux. Il était beau, attirant, intrigant… Cela la perturba et son cœur s’emballa.
- Un autre café ? demanda-t-il avec un sourire charmeur.
Elle se mit à son tour à sourire intérieurement. Elle l’observa, le dévisagea. Essayant de calmer son esprit en prenant un ton plus arrogant pour répondre à son invitation.
- Non, merci ! répondit-elle, en essayant de paraître le plus ferme possible.
Elle baissa instinctivement la tête.
- Tu es sûre de ne rien vouloir boire ? réitéra-t-il, d’une voix insistante devant son refus. Même pas un verre d’eau ?
Elle releva la tête et vit son regard insistant :
- Merci !
Elle prit le verre d’eau qu’il lui tendit. Sa main toucha la sienne. Retenant sa respiration le temps que dura le frôlement pendant lequel ses doigts avaient langoureusement parcouru sa main. Il le fit exprès, ce fut une évidence ! Il comprit qu’elle fut gênée par sa démarche, alors il s’approcha plus près d’elle, et d’une de ses mains, il lui releva son menton, la regardant droit dans les yeux :
- Que fais une jolie femme telle que toi seule dans un café ? lança-t-il en jetant un regard circulaire autour de lui.
-  J'aime la solitude ...
Il sourit, tandis qu’elle le regarda, incrédule, s'asseoir à ses côtés.
- Je vous en prie, installez-vous, siffla-t-elle avec ironie sans cacher son ressenti.
Il ne lui prêta guerre attention, posa son journal  d’un air amusé contrastant avec l'indignation qui teinta le visage d’Ambre, et ce fut pour lui poser une nouvelle question.
- Tu es froide avec moi seulement ou ?
- Par principe, lâcha-t-elle sans réfléchir. Vous accostez les gens sans pudeur, sans gènes, et vous ne paraissez même pas vous rendre compte que je ne suis pas impressionnée par votre manque de tact. Et une dernière chose, je pense qu’il est temps pour vous de passer votre chemin !
- C'est tout ?
- Non, répondit-elle exaspérée. Vouloir me parler n'est pas l'idée la plus brillante que vous ayez eu !
- Tu crois qu'en jouant la fille blasée, tu vas me faire fuir ?
- Je ne ... Quoi ? Blasée, moi ?
- Oui, blasée. Ce n'est pas parce que ta vie sentimentale doit être un fiasco que tu vas détruire celle de tous les types que tu croises.
Estomaquée, elle le dévisagea, ne sachant quoi répliquer.
- C'est une blague ? Vous êtes vraiment en train de me juger, alors que l'on ne s'est jamais adressé la parole ? C'est quoi ce plan ?
Elle sentit la colère monter en elle, telle une marée dont elle tenta de contenir les flots. Lui, ne sembla pas se rendre compte de sa rage naissante, ou alors il feinta de l'ignorer avec une habileté remarquable.
- On s'est parlé, il y a deux semaines tu t’en souviens ? Tu étais presque aussi chaleureuse qu'aujourd'hui, poursuivit-il avec ironie devant mon mutisme, c'est sans doute pour cela que tu l'as oublié. A moins que tu ais préféré jeter ce souvenir à la trappe parce que tu avais abandonnée pendant un instant ta fierté ?
Masquant tout accès de colère, elle rangea son livre dans son sac, froissant au passage une feuille volante qu’elle n'avait pas pris le temps de ranger, et enfila son manteau.
- Je suis désolé, je ne voulais pas dire quoi que ce soit qui puisse te blesser.
Elle aurait voulu le tuer sur place.
- Alors abstiens-toi de jouer au mec compréhensif. Ce n'est pas parce qu'on s’est croisé quelque part que je dois m’en souvenir et je n’aime pas qu’on vienne m'emmerder.

Sans lui jeter le moindre regard, elle quitta le café après avoir laissé quelques pièces sur la table.

Prenant le chemin de l’appartement de Martine. Elle tenta vainement de garder son calme, essayant d'oublier les quelques mots que cet inconnu venait de lui balancer. Elle n'avait pas l'habitude qu'une autre personne que sa meilleure amie lui crache des telles vérités en pleine face. Mais lui, il lui inspirait une telle colère. Sous ses airs de mec un peu paumé, il avait une façon d'observer les autres à leur insu, et elle en avait fait les frais. Ou du moins c'est ce qu’elle pensa, au vu du peu qu'il avait deviné de sa vie à l'issus de leurs quelques paroles échangées. Au fond il devait penser que son action était louable. Avec quelqu'un d'autre peut-être, mais elle avait un profond mépris envers toute forme d'attendrissement.

Elle courut presque à présent. Une pluie bruineuse donnait du ressort à ses ondulations, et elle passa sa hargne en observant avec un malin plaisir les filles qui se pressaient sous leur parapluie pour masquer leur brushing impeccable.

Cette rencontre avait pendant des jours et des nuits troublé sa vie. Elle le voyait sans cesse son visage. Ne cessant de penser à cet inconnu arrogant, certes et, aussi stupide que cela puisse paraître, ce n’était plus un étranger pour elle mais bel et bien un homme avec lequel elle s’endormait et se levait tant il la hantait. Puis les mois s'étaient écoulés, elle passait ses journées à écrire : il fallait qu’elle avance. Son seul but étant de pouvoir réaliser ce rêve qui lui tenait tant à cœur.

Mouna Toujani

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