mercredi 10 mars 2010

Extrait de " En Mémoire de Nous "

A écouter avec le texte:





Un soir, avec des amis, ils se retrouvèrent dans un petit piano-bar à Paris. Un ancien copain qu’elle n’avait pas vu depuis des années s’approcha d’elle, et ce n’est que lorsqu’il arriva à sa hauteur et s’adossa au bar qu’elle le reconnu.
- Hey, David ! s’exclama-t-elle toute heureuse de le revoir.
Avant même qu’elle n’ait pu terminer sa phrase, il l’embrassa et la prit dans ses bras en la soulevant ! Elle ne fut pas étonnée : c’était tout lui ça ! Un peu foufou, souriant et plein de vie.
- Quel bonheur de te revoir, dit-il. Tu es ravissante.
Il la déposa par terre et l’examina de la tête au pied en la faisant tourner sur elle-même.
- Cette couleur te va à ravir.
Ambre éclata de rire, et l’en remercia. Puis il l’embarqua sur la piste de danse. Elle n’arrêtait pas de rires aux éclats. Il était si adorable et elle se laissa emporter par sa bonne humeur ! Ils évoquèrent le passé, leurs vies, leurs amours, bus et dansés encore et encore…

Ambre avait la tête posée sur son épaule et ferma les yeux. En les rouvrant, une silhouette attira son attention. Elle l’aurait reconnu entre mille silhouettes : Robert était ici et à son bras une brune ! La panique l’envahit. Elle sentait ses pieds vaciller sous l’effet « choc » de le revoir et surtout dans cet endroit. Les premières questions vinrent se poser en elle.
Depuis combien de temps était-il là ? Devait-elle aller à sa rencontre, ou bien attendre qu’il vienne à elle ? Toutes ses questions se bousculaient dans sa tête.

Elle voulut faire bonne impression devant lui et cette femme, elle sourit, but quelques verres avec David. Se forçant à ne pas le suivre du regard, à ne pas le chercher... Puis, elle s’éclipsa. David se sentit obligé de ne pas contester...
Et soudain, une voix derrière, cette voix qui n’avait jamais cessée de vibrer en elle…
- Je te cherchais, dit-il en chuchotant au creux de son oreille.
Il vint s'asseoir à sa table, laissant échapper un soupir. Il pris la parole après de longues minutes de méditation, lui laissant la possibilité de contrôler les soubresauts de sa voix.
- Je ne savais que tu serais là ce soir …
- Moi non plus !
Ne dire que le minimum, elle ne savait faire que ça...
- Alors que deviens-tu Ambre ?
- Oh pas grand-chose ! J’avance à mon rythme…
- Tant mieux ! Tu sais sans toi je ne suis plus vraiment le même...
- Je ne veux pas savoir Robert, je ne veux rien savoir !
- Ok !
- Ça fait deux ans, deux ans depuis notre dernière rencontre... Deux ans et pourtant …
- Ambre, écoute, je ne voulais pas...
Elle le coupa :
- Je sais ! J’ai fini par m’habituer.
Ne pas pleurer, sourire, sembler heureuse, elle ne savait que faire que ça.
Elle se leva et se dirigea vers David, qui était adossé au comptoir du bar : il lui souriait et lui demanda si «  elle s’amusait bien ». Elle acquiesça de la tête en lui rendant son sourire et s’excusa auprès de lui avant de se rendre dans les lavabos !

Elle avait préféré battre en retraite, s'éloigner, arrêter ce petit jeu... Elle avait préféré partir...  Partir non pas parce qu’elle se pensait incapable de tenir ce petit jeu toute une nuit, mais seulement parce qu’elle en avait la gerbe... Parce que ses souvenirs revenaient d'une telle force qu'il lui était impossible de les ignorer, parce qu’elle avait envie de crier au monde entier et bien plus encore à lui que ce n'était pas juste, qu’il n'avait pas le droit de lui faire enduré tout ceci.

Au même moment, une femme s’approcha… Son visage reflétait un brin de colère. Elle agrippa Ambre par le bras.
- Mais qu’est-ce qui vous prend ?
C’est à ce moment là qu’elle vit son visage ! C’était la femme pendue aux bras de Robert.
- Lâchez-moi immédiatement ! hurla Ambre en la repoussant.
- Je vous ordonne de ne plus vous approcher de lui, dit-elle avec un regard froid.
- De qui parlez vous ? demanda-t-elle folle de rage.
- Robert !
- Je ne vois pas de quoi vous voulez parler ! Maintenant lâchez moi … J’aimerais rejoindre mes amis !
- Je comprends qu’il s’est amouraché de vous, dit-elle sarcastiquement. Vous êtes plutôt jolie. Mais une traînée reste une traînée ! Elle ne sont bonnes qu’à foutre au lit … Et ensuite leur coup tiré, ils rentrent toujours chez eux retrouver leur petite femme ! Sur ce bonne soirée…



Et elle partit la laissant seule face à ce qu’elle lui avait envoyé en pleine gueule.

Aucune larme... Rien, pas même une lamentation, ni cri de désespoir, rien...Et ce n'est qu'en passant le pas de la porte, qu’elle pris conscience de tout ce qui venait de se produire

Elle se souvint être sortie comme un automate, le bruit de la musique si bruyante commençait à lui donner une migraine atroce. Prenant l'air sur une des multiples terrasses de la boîte, quelques filles interpellèrent son attention de part leurs cris et leurs rires, elles étaient toutes aussi bourrées les unes que les autres.

Puis elle se souvint avoir lâché une insulte ainsi qu'un cri à la hauteur de la douleur, se dirigea vers l'entrée de la boîte en trombe, bousculant les gens qui dansaient. Elle mit un temps fou pour retrouver David. Et celui-ci l’embarqua sur la piste de danse. Elle ne voulait qu’une chose : oublier… Elle devait oublier. Elle but encore et encore !
Soudain, elle vit Robert s’approcher d’elle ! Elle s’accrocha aux bras de David quand Robert  posa sa main sur son épaule et, d’un geste brusque, il empoigna le bras d’Ambre.
- Mais qu’est-ce que tu fais ? demanda-t-elle, outrée.
David ne comprenait pas, et voulut s’en mêler mais Robert lui fit comprendre d’un signe de la main de rester en dehors de cette histoire. Ambre intervint et rassura David.
- Ne t’inquiète pas, je le connais c’est un ami à moi, dit-elle en foudroyant Robert du regard.
Elle demanda quelques instants à son ami et s’éloigna en ordonnant d’un regard à Robert de la suivre.
- Mais qu’est-ce que tu veux prouver ?
- Qui est cet homme ?
- Je n’ai pas à te répondre !
Elle s’énerva de par son comportement. C’était la première fois, depuis qu’ils se connaissaient, qu’il la secouait si violement pour qu’elle réagisse et qu’elle lui réponde, mais elle était têtue et fière ! Elle se défit de ses bras qui l’entouraient, mais il la plaqua contre le mur ne lui laissant aucune chance de bouger. Il était trop fort pour elle, et dans l’état où elle se trouvait et avec tous les verres qu’elle avait bus, elle n’avait plus la force de lutter !
- Désolé de m’être emporté, dit-il plus calmement, cette fois. Mais ça m’a fait choc de te voir dans les bras de ce type !
Il se pencha sur elle et l’embrassa violement. Elle essaya de toute son âme de le repousser, sans y arriver. Elle avait autant envie de lui que lui d’elle !
Puis soudain, il la relâcha et lui dit :
- Je t’ai regardé toute la soirée, et je ne t’ai jamais vu aussi souriante et pleine de vie que ce soir ! Tu as vite oublié notre histoire.
Cette phrase lui fît l’effet d’une claque qui la ramena à la réalité…
- Si ça peut te consoler de le penser, alors pense le… Le reste importe peu !
- Qu’est-il advenu de nous ? demanda-t-il…
- Nous ? Il n’y a jamais eu de nous, juste des moments d’égarements, puis on se réveille et on s’aperçoit que l’histoire ne nous appartient plus…
- Ce n’est pas vrai ! Tu ne le penses pas… Pas toi, avait-il dit, étonné et en colère.
- Qu’importe ce que je pense, tu passes bien ta vie à te mentir, je passe la mienne à me dire que c’est bien mieux ainsi !




Ambre était face à lui cherchant désespérément un indice, une preuve de son amour, un petit quelque chose qui lui montrerait qu’elle s’était totalement trompée, que tout n'était pas fini, qu’il l’aimait encore...Cherchant, le suppliant silencieusement de lui faire comprendre l'incompréhensible, attendant, patientant... Elle était là, devant lui… Allez Robert, montre-lui... Dis lui... Crie lui... Mais rien... Rien… Pas même un sourire.
Après un lourd silence, avant de partir, il rajouta :
- Tu n’es pas Ambre, ma Ambre, celle que j’ai aimée ! Je hais la femme que tu es devenue.

Comment oublier sa façon de lui avoir lâché cette dernière phrase ? Et cette froideur dans ses yeux ! Ce fût pour elle la deuxième humiliation de la soirée. La nausée commençait à monter, son souffle se fit rare, sa gorge s’était nouée. Impuissante. Elle s’enfuit en courant, ignorant le froid piquant qui lui mordait sa gorge nue, ses mains rougies par le vent glacial. Dévalant à toutes jambes l'avenue, sous le regard médusé des passants, elle emprunta la première rue transversale, sans réfléchir, puis la suivante, jusqu'à se perdre dans une allée piétonne, déserte. L'endroit était austère, dépeuplé, c'en était réconfortant. A l'abri des regards, elle se laissa glisser contre un mur froid, les briques usées éraflant sa robe noire. Sa respiration était saccadée, erratique. Elle sentait les larmes lui monter, mais pas une ne vint rouler sur son visage. L'angoisse avait comprimée sa cage thoracique, et cette envie de vomir, toujours présente, avait retourné son estomac. Et son cœur battait avec violence, chaque pulsation douloureuse lui rappelant sa détresse.

Elle se sentit prisonnière de ses propres sentiments. A quoi bon nier ce frisson qui chatouillait ses entrailles chaque fois qu’elle croisait le regard de Robert. Cette vague de chaleur divine qui parcourait sa peau. Cette impulsion, électrique qui sillonnait sa colonne. Oui, elle était devenue une menteuse formidable. Mais elle en était la première victime.

Combien de temps était-elle resté ainsi, pitoyable, vautrée sur le sol givré ? Elle l'ignorait. Elle n'avait même plus la force de raisonner. Le regard vide, les bras pendant le long de son corps inerte, elle contemplait la vieille vitrine qui lui faisait face, couverte de peinture grise. Peu à peu, le froid ambiant glaçait ses extrémités.
- Ambre !
Elle leva la tête, reconnaissant la voix de David. Il accourut vers elle, ses affaires à la main. Sur son visage, la peur laissant place au soulagement, avant que l'inquiétude ne vienne peindre ses traits.

Elle tenta de se relever, refusant de montrer l'état navrant dans lequel elle se trouvait. Plaquant au sol en appui ses mains engourdies par le froid, mais le contact fut douloureux. Se hissant sur ses jambes fébriles, elle tangua un peu, espérant qu’il ne le remarque pas.
- Mais tu trembles ! s'exclama-t-il en l'habillant de son manteau. Merde Ambre, qu'est ce qui t'as pris ? Tu es complètement inconsciente !
Elle ne répondit pas, se contentant de fouiller son sac à la recherche de ses gants, geste rendu maladroit par ses doigts raidis. Elle n'aurait probablement pas remarqué le frisson intempestif qui l'avait saisi s'il ne lui avait pas fait remarquer. C'était la première fois qu’elle le voyait en colère, une colère suintant d'inquiétude.
- Répond-moi ! Tes lèvres sont bleues. Heureusement que je t’ai suivi. A croire que tu te serais laisser crever ici !



Un mouvement trop brusque, et ses clés tombèrent au sol, dans un cliquetis métallique désagréable à l'oreille. Avant d'avoir eu le temps de se pencher, David les déposa déjà dans sa paume de main glacée. Elle enfila ses gants en vitesse. Elle se sentit humiliée, bien que soulagée de constater que son ami ne la traitait pas avec condescendance. Son courroux avait quelque chose de revigorant, comme une piqûre d'adrénaline, stimulante.
Il essaya de la relever et elle s’était blottie contre son torse… Elle supposa qu’il avait compris son état d’esprit !

 - Viens, je te raccompagne chez toi, avait juste dit David.

Dans ces conditions, les mots sont vains, inutiles, bien trop futiles... Les mots ne servent qu'à exprimer la déchéance du monde, le pathétique de la vie. Ils ne définissent que l'indéfinissable, ils ne recherchent que la perfection. Ils rendent ordinaire l'unique, tentent de magnifier le superbe, extrapolent le magnifique. Les mots s'agonisent, se perdent, transforment, affolent, détruisent...Les mots sont aussi inutiles que vitaux, vains que nécessaires ; un tout, un rien... Parfois les mots ne suffisent pas, ils sont souffle, murmure... Parfois ils ne suffisent plus et le silence s'impose... Les mots ne sont pas combatifs, ils ne tentent pas l'impossible ils ne font que le décrire ; ils n'appellent pas à la remise en question, à l'introspection, ils ne sont que superflus... Pourtant... Il en suffit souvent de quelques uns... D'une phrase aussi simple que nécessaire, il suffit parfois de savoir les choisir, d'avoir l'intelligence de les associer avec délicatesse, pour que les mots aient une réelle importance...
Trois mots... Trois futiles mots, une phrase... Une seule et unique phrase...

Et c'est alors que les mots prennent tout leur sens...

Mouna Toujani

Mouna Toujani

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Ma hbiba Mouna tu es grandiose ton ame pur tel un ange , j'aime beaucoup et juste à te dire respect tu es un kiffe ....boussa kbir ..ta Lara