mercredi 10 mars 2010

Pardonne-moi...


Une chose s’était brisée entre eux, et elle avait du mal à l’admettre et ce sentiment de trahison envers lui, lui collait à la peau. Il lui manquait énormément. Le passé reste le passé, le présent quant à lui : elle l’avait toujours renié ! Il y avait toujours ce mal en elle et ses souvenirs qui lui revenaient sans cesse. Elle n’avait pu lui parler avec sincérité de ses peines, ses frayeurs. Le pire dans tout ça, c’était qu’elle avait toujours eu la conviction au fond d’elle, et qu’elle se faisait du mal, et qu’en conséquence, elle leur faisait du mal ! Elle avait pris des petits bouts de chacun d’eux, sans parvenir à juste rester sereine et profiter. Un peu comme une punition qu’elle s’affligeait elle-même, d’être comme elle était, elle se renfermait, pleurait, souffrait les milles morts ! Ne pouvait expliquer pourquoi, elle avait été comme ça, elle avait haï sa vie, ses ressentis, ses angoisses. Elle fuyait sans prendre conscience qu’en fin de compte, c’était elle qu’elle fuyait, pas eux ! Juste ses sentiments, et ça lui était insupportable, elle ne supportait plus, elle ne se supportait plus quand elle était ainsi ! Elle connaissait la cause, elle savait qui était coupable de cet état d’âme qui la rongeait, mais elle n’avait jamais su pardonner. Elle ne savait pas comment faire le deuil et passer à autre chose.

Quelques jours plus tard, le bruit des clefs la fit sortir de ses songes, il était là, comme il l'avait dit. Il ne lui avait pas menti. Il était revenu. Il n'avait pas eu peur de ce qu'il pouvait trouver. Elle sortit doucement de son lit pour se diriger dans la cuisine, elle le vit entrain de s'affairer. Tentant de lui cacher son insomnie, ses pleurs, elle lui lança d'une voix toute endormie, un bonjour sonnant théâtralement faux.
- Oh bonjour, je t'ai réveillée ?
- Non, non ! T’en fais pas.
- Bien dormi ?
- On va dire oui, et toi ?
- Il me manquait quelque chose.
S'approchant pour l'embrasser, elle lui tendit les bras pour éviter les effusions de tendresse.
- Tu m'as manqué, je regrette tellement…
- Evite de regretter Ambre, ça ne sert à rien. Il fait partie de toi, en me mettant avec toi, je l'ai accepté lui.
- Oui mais tu ne devrais pas vivre ça !
- Je vis avec toi, je te prends avec ton passé ou je ne te prends pas. Et j'ai choisi Ambre.
- Tu veux que je te parle de lui ?
- Il s'appelle Robert, et vit à Paris… Il a gâché ta vie… Le reste n’a pas d’importance.
- Tu ne veux pas que je te parle de lui et de moi ?
- Ecoute Ambre, je ne t'ai jamais demandé de me parler de lui, parce que je sais déjà tout. Les silences sont éloquents chez toi. Tu l'aimes encore. Je ne veux rien savoir de plus !
Piquée à vif, elle acquiesça de la tête et sortie de la pièce.
Il écrasa sa cigarette et partit prendre une douche. Tout n'était que perpétuel affrontement.

Parce qu’elle en avait envie, parce qu’il lui avait manqué, parce que la vie lui semblait trop dure, parce qu’elle le faire, parce qu'il en avait besoin et que c'était un de ses devoirs... Parce que c'était comme ça... Silencieusement, elle atteint la salle de bains, ôta ses vêtements et le rejoint dans la douche. Parce que dans un moment comme celui-ci le visage de Robert se faisait bien plus présent... Ce n'était que comme cela, que le contact, le lien, perdurait. Alors pour lui, pour elle, pour eux, elle lui fit l'amour...

Ils se perdaient, se retrouvaient, ils tentaient de rester accrochés l'un à l'autre, il l'aimait, elle essayait de faire de même, il acceptait, elle tentait de le faire changer d'avis... Il faisait un pas vers elle, elle reculait ; il tentait de la comprendre, elle devenait encore plus mystérieuse. Il croyait la connaître, mais ses actes le bouleversaient. Il se confortait dans l'idée qu'il était bien avec elle, qu'il aimait ce qu’elle faisait de lui et de ce que ils vivaient... Il se disait heureux, il le criait, le hurlait, le montrait... Mais chez lui s’étaient les mots, si bien choisis, si fracassants, si bouleversants, chez lui s’étaient ces mots teintés de ces autres maux lui appartenant, qui étaient éloquents. Chez lui les mots étaient d'or, la sincérité avait son importance et chaque parole trahissait ses pensées...

Deux semaines s’écoulèrent, Ambre était au port de Sidi Bou Saïd, assise, sur un rocher face à la mer quand elle ressentit une main se poser sur son épaule, elle sut de suite sans même se retourner que c’était Bruno.
- Comment as-tu su que j’étais ici ?
- Parce que ça fait des années que tu viens ici te réfugier quand tu dois prendre des décisions importantes.
Elle se retourne pour le regarder, son visage était doux comme autrefois, ce qui la rassura, sa venue fût une agréable surprise !
- Tu as raison ! J’ai toujours trouvé cet endroit apaisant. Je pensais justement à toi, je m’en veux encore, tu sais…
- Je sais !

Il prit place à ses côtés, mit ses bras autour de ses épaules, et ils restèrent un long moment silencieux… À contempler la mer… Puis ils rentrèrent chez eux. Leur vie avait reprit son court, Bruno ne fit jamais plus illusion à Robert. Encore une fois il avait respecté son choix de garder cette histoire pour elle. Même s’il lui avait pardonné et qu’il faisait tout pour lui faire oublier, elle savait et s’en voulait de lui avoir fait du mal. Le souvenir de Robert contrôlait leurs vies, il les éloignait, les torturait, le faisait souffrir et la perturbait. Il me quittera, trop triste de vivre dans son ombre... Il me quittera, accablé de ne pas avoir eu totalement sa chance. Et lorsqu'il me quittera ? Que me restera t-il ? Que restera-t-il de moi ? pensa-t-elle lasse.

La tornade était passé, tout était revenu à la normale ; c'était le printemps chez Bruno, les oiseaux possédaient les arbres, les bourgeons fleurissaient, la mer était calme. C'était le printemps chez lui, le soleil lui réchauffait le dos et l'envie qu'il l'étreigne entièrement se fit suppliante. Alors écoutant sa raison bien avant de laisser parler son cœur, elle se leva et se réfugia dans ses bras. Elle voulait y loger quelques temps, à défaut d’y rester à jamais. Parce que le monde de Robert était bien trop froid pour elle, le souffle du vent murmurait son nom lui donnant la gerbe ainsi que les portraits de lui dansant avec l'air invisible. Il n'y a que lui. Uniquement lui alors que son corps ne recherchait que Robert. Mais elle y logerait quelques temps, car du côté de chez Bruno tout était tellement plus simple ; tout était plus beau, l'air était supportable, rien ne l'oppressait, la douleur et la haine ne jalonnaient pas sa route. Tout était bien plus simple chez lui... Avec lui. Alors, elle y logerait quelques temps, jusqu'à ce que Robert lui manque et que son cœur se brise à nouveau.

Mouna Toujani

Aucun commentaire: