A lire avec cette musique :
Les étoiles brillaient dans le ciel sombre. Ambre essaya de
trouver le sommeil, mais en vain. A ses côtés Bruno dormait paisiblement.
Craignant de le réveiller par ses maintes agitations, elle décida de quitter le
lit. Posa ses lèvres quelques secondes sur son épaule nue, lui caressant les
cheveux, puis elle enfila un court peignoir blanc qui traînait à ses pieds.
Attrapa son paquet de cigarettes sur le bureau, se plaça devant la fenêtre,
alluma le rouleau et se mit à scruter l’extérieur, songeuse. Elle savait que le
temps était venu de tout lui dire. Elle se sentait prête. Et elle le fera le
matin venu, pensa-t-elle. Espérant ne plus sentir ce poids qui pesait sur sa
vie. Ses yeux se posèrent sur lui, il semblait serein, paisible en paix.
Il devait être près de midi quand enfin elle ouvrit les
yeux. Sa nuit fut longue et ce n’est qu’au levé du soleil qu’enfin elle avait
pu fermer les yeux. Bruno avait déjà pris le petit déjeuner sur la terrasse et
parut content de la voir arriver en baillant.
- C’est la première que tu te lèves aussi tard, lança-t-il
avec un large sourire.
- Bruno, il faut que je te parle…
- Oui, bien sur ma puce, je nous prépare juste un verre et
te rejoins !
Il ne lui avait jamais vraiment posé de question sur sa vie,
son passé ou qui était le père d’Aaron, il savait être discret et surtout il
avait toujours respecté ses silences. Il s’installa face à elle et lui tendit
un café en lui disant :
- Je suis tout à toi.
Ambre prit une grande respiration et dans un murmure
lança :
- Te rappelles-tu, le soir où nous étions chez Martine de
l’homme qui est passé la voir ?
- Tu parles du type, comment s’appelle-t-il déjà ?
- Robert ! C’est le père de notre petit Aaron !
Elle lâcha cette nouvelle si brutalement, qu’elle put
constater, qu’il était sous le choc. Il ne disait rien, juste un regard
surpris, au bout de quelques minutes, il répondit juste :
- Comment as-tu pu me cacher une chose aussi importante ?
- Je suis désolée…
- C’est moi qui le suis, pour t’avoir fait confiance alors
que tu ne la méritais pas !
- Je t’en prie ne parle pas ainsi…
- J’ai aimé cet enfant comme le mien ! Je t’ai aimé, toi,
parce que j’ai toujours pensé que tu étais la femme de mes rêves, la femme
parfaite, la femme la plus honnête que j’ai pu jusque-là rencontrer dans ma
vie, et là, j’apprends que nous avons bâti une vie de couple basée sur des
mensonges et ça depuis le premier jour ?
- Je ne t’ai pas menti, j’ai juste enterré une partie de ma
vie, que je ne voulais en aucun cas déterré ! Je sais que tu es déçu et blessé,
mais sache que tu es la dernière personne au monde à qui je voudrais faire du
mal.
- Sait-il qu’il a un fils ?
- Non ! Il m’avait quitté avant que je ne puisse le lui
dire. Et je n’ai pas trouvé l’utilité de le faire par la suite ! À cette
époque, il était marié, nous étions follement amoureux l’un de l’autre, puis un
jour sans aucune explication, il est parti !
- Tu étais enceinte de combien de mois ?
- De quelques semaines !
- Qui est au courant de cette histoire ?
- Il n’y a que Martine… Et toi maintenant, répondit-elle tristement.
- Ça a dû être très dur… Tu as une énorme force en toi, mais
je ne sais pas si le fait d’avoir dévoilé tout ça va pouvoir alléger tes
souffrances maintenant… Ils ont le droit de savoir ce secret. Je parle de cet
homme et d’Aaron…
- J’ai essayé, mais le moment n’a jamais été le bon, puis à
quoi ça servirait aujourd’hui ? Le mal est fait !
- À réparer tes erreurs ! rajouta-t-il en la regardant
froidement. Tu nous as à tous menti, tous ceux qui croyaient en toi, en qui
nous avions tant d’admiration, tu as été un modèle pour moi durant des années,
je ne cautionne pas ton geste, et pour la première fois depuis que l’on se
connaît… Je ne te suivrai pas dans ta façon d’agir, tu devrais réfléchir aux
conséquences que ça apporterait : si, un jour, ils en venaient à le découvrir !
Au fur et à mesure qu’il parlait, elle découvrit un nouvel
aspect de l’homme qui avait été jusqu’ici le plus doux, le plus compréhensif et le
plus respectif à son égard, elle ne pu retenir ses larmes si longtemps
retenues. Il se leva, et lui dit avec une voix plus tendre :
- Je suis désolé, mais j’ai besoin de m’éloigner, de
repenser à ce que tu viens de me dire, le plus calmement du monde, je ne veux
pas faire de jugement ni même me mettre en colère contre toi, le mieux est que
je parte quelques jours.
- Je t’en supplie ne me fais pas ça, reste s’il te plait…
- Je ne pense pas que ce soit une bonne solution, le fait de
partir ne veut en aucun cas dire que je vais te quitter ! Enlève-toi cette idée
de la tête, rassure-toi, je t’aime bien plus que tu ne l’imagines !
Ils avaient parlé pendant une heure, ou plutôt Bruno avait
parlé et elle avait écouté. Elle avait
écouté parce qu’elle avait besoin de ces moments là, ces moments où,
contrairement aux autres, il lui disait réellement ce qu'il pensait, il ne
passait pas par quatre chemins, il ne cherchait pas à l’attendrir, ou à lui
trouver des excuses, il ne faisait que dire ce qu'il pensait et dans le monde où ils vivaient la
sincérité ne faisait pas de mal... Et il était surtout le seul à ne pas lui
donner de conseils, et la laisser faire comme bon lui semblait, il ne lui
faisait pas la morale... Non, Bruno lui donnait son avis et c'était ensuite à
elle d'aviser... Elle avait besoin de
ça, et surtout de faire le point.
Accoudé à la rambarde de la terrasse, fumant une de ces
cigarettes qui l'apaisaient, les yeux dans le vague à ressasser le passé. Elle
tirait une dernière taffe, écrasa sa cigarette et rentra dans ma chambre lui écrire…
Parce que comme toujours… elle en ressentait le besoin.
4
Février 1994
Cher Robert,
Aujourd’hui,
j’ai tout dit à Bruno… Et je n’ai pas arrêté de me remémorer
ce qu’il m’avait dit, ses mots résonnent encore moi, je sais qu’il a raison, et
je sais aussi au fond de moi que j’ai été égoïste, que nôtre histoire, je l’ai
gardée pour moi toute seule, je ne voulais la partager avec personne. Il n’est
jamais facile de se rendre compte qu’on a pu faire autant de mal, quelle
différence entre moi et toi qui, toi aussi, avait caché des secrets à ta
famille ? Inconsciemment nous avons voulu protéger ce qu’on éprouvait l’un pour
l’autre secrètement !
Il n'a pas dormi ici, il m'a simplement laissé un mot que j'ai
retrouvé en rentrant, un mot voulant tout dire... Tu sais, je crois qu'il a
senti que cette soirée serait le tournant d'une vie, la mienne, la sienne, la
nôtre. Il était conscient de perdre une osmose, une connivence qu'il a mis des
mois à fait naître, une femme amoureuse... Il se savait perdant et son mot
n'est que la preuve qu'il accepte qu'un autre dirige la partie, le fasse gagner
ou perdre, lui donne tout ou rien... Il a accepté que tu contrôles notre vie,
notre couple... Il a accepté...
Son mot :
« Cette nuit sans moi t'aidera à faire le point... Je reviendrai dès que j’aurais les idées plus claires » En espérant retrouver ma Ambre. »
« Cette nuit sans moi t'aidera à faire le point... Je reviendrai dès que j’aurais les idées plus claires » En espérant retrouver ma Ambre. »
Tendrement Bruno.
Je n'ai pas vraiment dormi, entre somnolence et réflexion ;
j'ai essayé vainement de me faire à l'idée, d'apprécier la réalité et ne plus
follement aimer mon passé, j'ai tenté de ne voir que le bon côté, de mettre le
mot fin sur notre histoire, de la conjuguer au passé, de fermer le livre et de
simplement chérir son existence. J'ai voulu écrire une nouvelle page de ma vie,
mettre son nom puis le mien et nous laisser le temps de s'aimer à en perdre la
tête, j'ai pleuré l'être que je suis, trop peu reconnaissante de son amour,
trop peu satisfaite de sa vie et des choses que j’ai vécues. J'ai détesté cette
petite égoïste que je suis, je m'en suis voulu de lui avoir fait subir ça. Je
m'en suis voulu de ne pas lui avoir parlé de toi, de ne pas lui avoir expliqué
qui tu es, ni même ce que nous avons vécu, je m'en suis voulu d'avoir fait
l'impasse sur toi, rien que pour vivre tranquillement dans ma tristesse. Je
m'en veux encore, de n'avoir pensé qu'à moi, qu'à toi mais si peu à lui...
Je t’avoue que j’ai essayé de trouver une alternative, un
remède, une infime chose qui pourrait apaiser la souffrance, tenter de me
consoler, d'apprivoiser le manque, la solitude. Chercher de vaines excuses,
apprendre à vivre, estropiée, handicapée, souffrante, asphyxiée... En aimer un
autre et vivre dans un présent, fade, triste, si peu passionnel, ennuyeux...
Mais vivre, vivre et mentir, mentir et aimer, aimer et haïr. N'être que le
contraire de ce que je suis, et vivre... Pour lui, pour moi. Pour ce que je ne
suis pas, ce que j'étais... Ce que j'aimerais être. Mais stopper la course
effrénée des ces souvenirs, d'un passé douloureusement bon, arrêter les
regrets, la recherche excitante d'un être, acteur d'un passé révolu, ombre d'un
présent bel et bien existant...Et vivre... Sans se retourner, sans chercher à
comprendre, ni même partir à la recherche de causes. Vivre sans en demander
trop, se contenter du peu, de l'acceptable. Et l'aimer lui. Bien moins, bien
plus mal, bien plus normalement que je ne t'ai aimé toi. Mais l'aimer lui, seul
lien me rattachant à la réalité, seule personne m'empêchant de sombrer.
1 commentaire:
Quel bonheur de te lire, Mounange et quel bonheur d'aimer de la sorte. C'est la plus belle chose que l'on puisse vivre et même si cela peut être douloureux, je donnerais tout pour le vivre ne fût-ce qu'un instant, aussi éphémère soit-il.
Je t'embrasse.
Ton angel qui t'aime fort.
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